Le Pays

C’est la fin du monde. Chaque jour, c’est ce que l’on nous annonce, des gens qui

sonnent à la porte, des experts à la radio, des zombies sur les écrans. Tout le monde

semble d’accord. Pas forcément sur le scénario, mais sur l’idée que nous vivons

aujourd’hui un tournant de l’histoire, qu’après cela, le monde ne sera plus comme

avant. Et pour répondre à ces inquiétudes eschatologiques, nombreux sont ceux qui

en appellent à un monde meilleur, à des utopies, plus ou moins éloignées du réel,

plus ou moins protégées des aléas d’un monde finissant. Une utopie comme une

île, celle de Thomas More, minuscule monticule de terre isolée en pleine mer. Mais

une île ne suffit pas. Il nous faut un archipel. Il nous faut un ensemble, une chaîne de

montagnes, solide et vigoureuse, cachée aux yeux de tous, dont seuls les sommets

émergent. Une diversité d’îles ayant chacune sa spécificité, sa géographie, sa faune

et sa flore, formant pourtant un réseau cohérent. Le pays. Cette contrée maritime sur

laquelle on accoste n’est pas déserte, elle est peuplée d’une tribu perdue, peut-être

des naufragés, peut-être des indigènes déjà là, un peu des deux, nul ne sait, mais ils

forment bien une communauté, partageant une certaine idée du monde, une certaine

posture face au contemporain, certaines pratiques.

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